Vampires 3
Les temps devenaient donc de plus en plus difficiles pour les vampires. Les chasseurs s'avéraient être des exterminateurs redoutables.
Alors qu'ils régnaient en maîtres sur les rues de la ville quelques semaines auparavant, les morts-vivants furent réduits à une poignée d'individus. Dispersés, affamés, ils étaient traqués jusque dans les recoins les plus sombres où ils avaient l'habitude de trouver refuge.
Howard sentait bien tout cela et, conformément à son instinct de survie, il restait sur ses gardes.
Sans trop savoir pourquoi, il s'était replié sur le quartier de White Church. Il s'y repérait assez facilement pour se déplacer la nuit, traquer ses proies et, au besoin, se cacher des chasseurs.
Il lui arrivait encore parfois de croiser d'autres vampires mais cela devenait de plus en plus rare. Néanmoins, il remarqua que les vampires survivants étaient tous différents de ceux qui, auparavant, pullulaient dans les rues, les parcs et les hangars.
Ils avaient une lueur particulière dans le regard. Un signe d'intelligence qui montrait qu'ils n'étaient pas seulement guidés par leur soif de nourriture. Un signe de prudence et aussi de ruse.
Certains de ces morts-vivants étaient même capables de s'attaquer aux chasseurs trop sûrs d'eux et d'en faire leurs nouvelles victimes.
Non, les derniers vampires - dont Howard faisait partie - ne se laisseraient pas avoir comme les autres. Malgré leur petit nombre, ils seraient plus difficiles à éliminer que tous ceux qui avaient déjà disparu.
Là où, avant, il parvenait chaque nuit à trouver de la nourriture, Howard devait parfois se contenter d'une seule victime par semaine... C'était très douloureux à supporter mais il survivait. Il "survivait"...
Il attendait aussi. Il attendait de retrouver ce jeune chasseur qui lui avait montré combien il était facile de tuer sans se poser de questions. Sans être poussé par la faim mais sans douter de soi. Sans souffrir.
Jusqu'alors, Howard avait déjoué tous les pièges de ceux qui avaient essayé de le tuer. Plusieurs de ces chasseurs lui avaient même permis de ne pas mourir de faim. Un comble.
Il fallait tenir. Résister. Il finirait bien par venir et, quand il serait là, Howard savait déjà vers où il l'entraînerait à le suivre... Vers une petite maison déserte. Abandonnée. Dans laquelle il savait qu'il n'aurait aucun mal à dérouter et à prendre à revers son adversaire.
Il fallait donc attendre. Résister jusqu'à ce qu'il arrive... Et puis il le reconnut facilement lorsque, un soir, il vit un jeune homme sortir nonchalamment de l'église et marcher dans les rues de White Church. Comme tous les chasseurs, il feignait l'imprudence. Il essayait de passer pour la victime parfaite : inoffensive, celle qui ne se méfie pas. Mais Howard était bien au-dessus de ce genre de stratagème...
Il l'observa discrètement, en passant d'arbre en arbre, mais sans jamais s'approcher trop près de lui.
Il était affamé mais, curieusement, il n'avait pas l'intention de le tuer... Ce n'était pas du sang ou le plaisir de la victoire qu'il attendait de cet adversaire. C'était... autre chose.
Sans qu'Howard n'ait besoin d'intervenir, le jeune chasseur se dirigea exactement dans la direction qu'il souhaitait lui faire prendre.
Il approchait de la maison. Il n'avait plus qu'une rue à traverser. Il attendait sur le trottoir et Howard se tenait juste au-dessus de lui.
Il aurait pu se laisser tomber mais il était persuadé que le jeune chasseur ne se laisserait pas surprendre.
S'il se retournait, Howard risquait même de se retrouver empalé sur une lame en argent comme il l'avait déjà vu faire...
Le jeune chasseur ne bronchait pas mais il était fort possible qu'il ait déjà détecté la présence de son ennemi. Comment savoir ?
Howard voulait l'emmener jusqu'à la maison... mais il ne bougeait toujours pas.
Comme la première fois où il l'avait vu, le vampire sentait que son cerveau fonctionnait de plus en plus vite. Cela lui faisait oublier la sensation de faim qui lui tordait la gorge. Que fallait-il faire ?
Du haut de son arbre, Howard appuya violemment son pied sur une branche pour la faire craquer.
Avant que la branche n'ait touché le sol, le jeune chasseur sortit une arbalète de sous sa veste et décocha une première flèche d'argent en direction du mort-vivant. Howard bondit hors de l'arbre en direction de la maison. Il passa au-dessus de la rue et atterrit juste devant la porte. Deux nouvelles flèches partirent, dont une qui fracassa une fenêtre. Howard en profita pour s'enfuir à l'intérieur de la maison et, comme il l'espérait, le jeune chasseur le poursuivit à l'intérieur.
La maison était abandonnée et aucune lumière ne fonctionnait. Le jeune chasseur alluma une lampe torche. Il hésitait à entrer vraiment dans la maison et Howard dut prendre des risques pour l'attirer à l'intérieur, au fil des pièces, jusqu'à ce que son adversaire ne sache plus où il se trouvait. Plusieurs tirs filèrent à travers les pièces, les couloirs et le long de l'escalier mais Howard était plus rapide car il se déplaçait sans réfléchir : malgré l'obscurité, ses mains et ses pieds bondissaient et se posaient toujours aux bons endroits pour repartir.
Au bout d'un moment, il sentit que le jeune chasseur abandonnait la poursuite. Il voulait sortir.
Howard le laissa chercher son chemin du bout de sa lampe torche pendant que lui descendait rapidement se cacher près de la porte.
Visiblement pressé de partir, le jeune chasseur finit par lui tourner le dos et le vampire parvint à s'approcher tout près de lui. Il lui enfonça un de ses ongles, acéré comme une griffe, à un endroit précis de la colonne vertébrale.
Le jeune chasseur hurla de douleur et s'effondra sur le sol. Il était presque entièrement paralysé. Il arriva péniblement à se retourner pour voir le visage du vampire qui flottait au-dessus de lui dans la pénombre de sa lampe torche qui traînait sur le sol.
Howard ouvrit la bouche et découvrit ses immenses canines. Le jeune chasseur était immobilisé à ses pieds et, lui, il n'avait rien avalé depuis plusieurs nuits... Pourtant, Howard se contenta d'ouvrir les lèvres, non pas pour lui arracher la gorge, mais pour articuler péniblement les premiers mots qu'il prononçait depuis... très longtemps :
" Je m'appelle Howard."