- Est-ce qu'elle connaît aussi Andy et Michael ?
- ... Non. Ils ne sont jamais venus au soutien scolaire. Pourquoi ?
- Pour rien. Et que s'est-il passé au soutien scolaire ?
- Eh bien, pendant que je travaillais, j'ai entendu Mme Autard discuter avec une autre dame. Elle lui racontait que la serrure de son appartement ne fonctionnait plus et que, en fait, elle n'arrivait plus du tout à verrouiller sa porte d'entrée.
- Elle a dit ça devant tout le monde ?
- Non, elle parlait doucement et elle ne savait pas que je l'entendais. Elle a même dit que, avec ses problèmes auditifs, n'importe qui pourrait rentrer chez elle de nuit sans qu'elle s'en aperçoive... Son amie lui a demandé pourquoi elle ne faisait pas réparer immédiatement sa porte et Mme Autard a répondu qu'elle voulait faire travailler un ami serrurier à elle qui rentrait de vacances le lundi d'après.
- Elle a dit tout ça et, toi, tu as tout entendu ?
- Oui, mais ce n'est pas de ma faute. Je trouvais ça amusant d'écouter ces conversations mais c'est tout.
- Mais alors, c'est toi, mardi dernier, qui a eu l'idée de ce cambriolage.
- Ah non ! Moi, j'ai juste raconté à Michael ce que j'avais entendu. Il l'a répété à Andy. Ensuite, le mercredi, ce sont eux qui m'ont parlé du cambriolage.
- Si ce n'était pas ton idée, tu as quand même été d'accord.
- Ben oui. Ça semblait tellement facile. Mais moi, j'avais dit que si la vieille se réveillait, il faudrait partir en courant ! C'est pour ça que je suis resté près de la porte, pour être sûr qu'on pourrait partir vite en cas de problème.
- Tu as bien fait. En plus, si elle t'avait vu, Mme Autard t'aurait facilement reconnu.
- ... Oui, ça aussi.
- Que s'est-il passé ensuite ?
- Le jeudi après-midi, Michael m'a accompagné jusqu'au cours de soutien. Je lui ai montré Mme Autard. Après la fin du cours, il l'a suivie jusqu'à chez elle. Le vendredi matin, au collège, il nous a dit qu'il avait son adresse, le numéro de code de son immeuble, son étage et son numéro d'appartement.
- Comment a-t-il eu tout ça ?
- Je ne sais pas. Mais il est très fort, Michael. Il nous a dit qu'il avait même discuté avec elle en bas de son immeuble. Ensuite, il est même entré dans l'immeuble et il vu sa porte.
- Il est très fort, ce Michael. Il n'a pas peur de parler aux adultes.
- Oh non. Il peut parler à n'importe qui.
- C'est lui qui t'a convaincu de participer au cambriolage ?
- Pas vraiment. Nous, tout ce qu'on voulait c'était rentrer chez la dame et prendre de l'argent sans qu'elle ne s'en rende compte. Ça semblait tellement facile.
- Tu as quand même pris de gros risques. Tu es sorti de chez toi en pleine nuit.
- Ça, je le fais souvent. Le magasin de mes parents est fermé le lundi et, le dimanche soir, ils sortent souvent très tard en boîte et au restaurant.
- Tu savais pourtant que tu faisais quelque chose d'interdit.
- Mais... on voulait rentrer et sortir sans rien casser. On n'est même pas restés dix minutes dans cet appartement !
- En effet, mais cela a suffi pour provoquer un grave accident.
- Je sais...
- Qu'est-ce que tu as vu et qu'est-ce que tu as entendu dans cet appartement ?
- Il faisait très sombre, on n'avait que des lampes de poche. On est rentrés doucement. Et puis la porte s'est claquée derrière nous... Ça m'a fait très peur. On a attendu un moment, on n'a rien entendu, puis Michael a décidé de continuer et Andy l'a suivi. Moi j'ai dit non, alors ils m'ont dit de rester près de la porte pour les attendre.
- Et ensuite ?
- ... Je suis resté seul dans le hall. Il faisait noir. J'entendais Andy et Michael fouiller les pièces.
- Et puis ?
- J'ai vu une petite lumière qui venait du couloir. Une porte s'est ouverte. Et Mme Autard demandait "qui est là ? qui est là ?"
- ...
- Je me suis demandé ce qui allait se passer puis j'ai entendu un coup sec et j'ai compris que la vieille s'écroulait par terre.
- Et ensuite ?
- Je voulais partir en courant. Andy et Michael se sont parlés vite puis ils sont revenus dans le hall. Ils m'ont dit qu'il fallait partir tout de suite. Michael m'a pris par le bras et il m'a tiré vers la porte.
- ...
- Ensuite on est partis. Dans la rue, Michael a pris les gants que nous avions mis en nous disant qu'il allait les brûler.
- ...
- Et puis on s'est séparés et on est rentrés chez nous.
- Vraiment ?
- Moi, en tout cas, je suis rentré chez moi.
- ...
- C'est tout
- Vous ne vous êtes rien dit ?
- Dit quoi ?
- Qu'aviez-vous prévu de dire si quelqu'un vous attrapait ? Pour vous protéger ?
- Rien. On s'était juste mis d'accord qu'il ne fallait rien dire, qu'on était restés chez nous comme d'habitude.
- Pourtant, toi, tu me racontes tout, non ?
- Mais, ils ont failli la tuer ! On risque de passer au moins vingt ans en prison !
- D'après toi, lequel des deux a frappé ?
- Je ne sais pas, je l'ai déjà dit à l'inspecteur. Ils ont laissé le chandelier dans le couloir et ils ne m'ont rien dit.
- Tu savais que c'était un chandelier ?
- Non, mais c'est l'inspecteur qui me l'a dit.
- Si tu avais été avec Andy et Michael, dans le couloir, est-ce que tu aurais osé frapper Mme Autard ?
- Non.
- Andy aurait osé ?
- Je ne sais pas.
- Michael aurait osé le faire ?
- Peut-être. C'était lui qui avait tout décidé. Moi, j'ai seulement cru ce qu'il me disait.
- Il te disait quoi ?
- Qu'on se ferait plein d'argent. Qu'elle gardait sûrement plein de billets chez elle.
- Pourquoi voulais-tu gagner beaucoup d'argent ?
- ... Je voulais m'acheter un scooter.
- Tes parents ne voulaient pas te le payer ?
- Si...
- Alors ?
- Je voulais gagner de l'argent... en avoir beaucoup pour moi.
- Tes parents gagnent beaucoup d'argent ?
- Oui, je crois. On part toujours loin en vacances. Mon père achète beaucoup de cadeaux pour ma mère.
- Et, à toi, ils en offrent des cadeaux ?
- Oui... quand j'étais petit, j'avais tout ce que je voulais.
- Et maintenant ?
- Maintenant, je n'aurai plus rien. Mon père m'a traité de malade, de débile.
- Il ne le pensait peut-être pas.
- Il ne supporte pas que je ne comprenne rien à l'école. Quand j'étais petit, il me disait tout le temps que ce que je faisais en classe était trop facile, que les instituteurs étaient vraiment "limites".
- Et maintenant ?
- Il ne me dit plus rien. Il ne regarde plus mes carnets. Tant mieux, d'ailleurs. Ma mère m'a fait donner des cours, mais je ne comprends toujours rien...
- Tu as peur de finir dans la rue, plus tard ?
- En tout cas , je n'aurai plus d'argent.
- Qu'est-ce que ça fait de ne plus avoir d'argent ?
- C'est comme chez Andy. Son appartement est tout petit, il porte tout le temps les mêmes survêtements et son père lui crie dessus pour n'importe quoi.
- Tu as peur d'aller en prison ?
- Oui, je veux rentrer chez moi.
- ... Si tu savais qui avais frappé Mme Autard, est-ce que tu accepterais de le dire à l'inspecteur Zymot ?
- ... Oui. Je ne veux pas aller en prison. Mais je ne sais pas.
- ... Entre Michael et Andy, lequel des deux est ton meilleur ami ?
- Je connais Michael depuis que je suis tout petit. Andy, lui, il était dans la classe de Michael l'année dernière.
- D'accord. Je pense que l'inspecteur Zymot te posera encore quelques questions, plus tard.
- Et ensuite ?
- C'est lui qui te dira ce qui va se passer."
Boujéma arrêta l'enregistrement. Il se leva et alla ouvrir la porte pour appeler l'inspecteur Zymot. Celui-ci entra dans la dans la pièce et demanda simplement à Anthony de le suivre à nouveau. A la demande du psychologue, l'inspecteur remonta quelques minutes plus tard en compagnie du jeune Andy Paulard.
Mardi, 9h04.