2ème parchemin...
" Au village, mon père avait trois fils et deux filles. Souvent, il nous réunissait le soir pour nous expliquer que, dans la vie, chaque enfant devait accepter le destin que Dieu lui avait donné par le rang de sa naissance.
Le jeune homme (juvenis) [le premier fils] resterait au domaine, prendrait femme et travaillerait la terre pour entretenir sa famille ainsi que ses parents lorsqu'ils seraient devenus trop vieux.
Le jeune garçon (puer) [le cadet] devrait partir pour chercher une terre, une femme et sa fortune ailleurs. Ses parents l'aideraient à préparer au mieux son départ mais rien ne lui reviendrait de droit. Son grand frère devrait veiller à lui proposer le gîte, le couvert et sa protection à chaque fois qu'il n'aurait plus de ressources. Jamais la porte de sa famille ne lui serait fermée mais il ne devrait jamais souhaiter le malheur de son frère pour espérer, un jour, prendre sa place.
Le petit garçon (infans) [le benjamin] serait élevé au domaine de ses parents et, passé l'âge de raison (aetas rationabilis), il serait envoyé au monastère où il serait instruit pour le service de Dieu et le salut de sa famille. Il quitterait définitivement sa famille et son village mais lui non plus ne devrait jamais souhaiter le malheur de ses aînés car eux aussi n'auraient fait qu'obéir à la volonté de Dieu.
Mon père nous expliquait cela longuement en nous rappelant les malheurs de Caïn et de Jacob. Selon lui, l'enfant imparfait (aetas imperfecta) était nourri de l'amour et de la jalousie des hommes. S'il acceptait sa place, il remercierait Dieu et renoncerait à la jalousie. Sinon, il provoquerait le malheur de ses frères et attirerait sur lui-même la colère de Dieu.
Je savais que mon père, lui, était né en second fils. Il avait mis du temps à trouver sa terre et à fonder sa propre famille. Il était satisfait de son sort mais jamais il ne voulut nous raconter le chemin qui l'avait mené jusqu'au village. Il parlait beaucoup de la Bible et de ceux qui avaient trahi la confiance de Dieu. Dans sa manière de parler, je pense qu'il en voulait à quelqu'un en particulier mais il ne nous a jamais révélé qui, selon lui, avait pu le trahir...
En tous les cas, moi qui écris ces lignes - le troisième fils - je ne lui en veux pas et je prie chaque jour pour le repos de son âme. "