Dragons et Magiciens 3
Ce matin-là, maître Bedren sortit particulièrement furieux de la réunion du Grand Conseil.
Une fois de plus, sa proposition pour lancer une nouvelle attaque en profondeur sur les lignes de défense des Atlans avait été refusée.
Pourtant, les informations rapportées par Guirao avaient été très claires : le bataillon qui défendait la passe des Orties était isolé des bataillons arrières et il serait facile de l'encercler... Cette guerre durait alors depuis six ans et les membres du Grand Conseil refusaient encore de frapper un grand coup, de lancer une grande offensive qui permettrait de prendre un avantage définitif... Non, ils préféraient maintenir et renforcer les positions de défense pendant que les Atlans reconstituaient leurs forces.
Bien sûr, il aurait pu insister de manière plus... brutale ou même passer outre leur décision mais bon... il ne pouvait pas employer la force à chaque fois. Cela finirait par provoquer une révolte contre lui.
De plus, il préférait se méfier de certains membres du Grand Conseil. Guirao lui avait signalé que, à plusieurs reprises, ses expéditions avaient été mises en danger après que le Grand Conseil en ait eu connaissance.
"Tous des traître ou des pleutres... Il faudra bien que je m'en débarrasse un jour."
Il rejoignit sa salle d'audience où Elkali lui rappela qu'il avait convoqué une de ses servantes.
" - Elle est ici, maître.
- Parfait, faites-la entrer... Bonjour, jeune fille, comment vous appelez-vous déjà ?
- Je m'appelle Ocaris, grand maître.
- C'est cela. Depuis combien de temps travaillez-vous au Palais ?
- Depuis presque cinq ans, grand maître.
- C'est assez peu... Néanmoins, c'est vous seule que dame Valaine m'a recommandée pour la remplacer durant son absence. Vous savez déjà qu'elle doit retourner précipitamment dans son village et qu'elle ne pourra pas revenir avant, au moins, plusieurs mois. Savez-vous, par contre, quelles sont les responsabilités qui reposent sur les épaules d'une grande-gouvernante du Palais d'Ittirit ?
- J'ai suivi dame Valaine dans la totalité de ses tâches et de ses fonctions. J'espère seulement être à la hauteur de son savoir-faire et de son dévouement.
- Dame Valaine ne doute absolument pas de vos capacités. Je vous parle surtout de responsabilité et de confiance. Vous allez avoir sous vos ordres la plupart des domestiques du Palais dont beaucoup sont plus expérimentés que vous. Il faudra que vous soyez ferme et que ne rien ne soit modifié dans le fonctionnement du Palais. Vous en sentez-vous capable ?
- Je le pense, grand maître. Dame Valaine se reposait déjà beaucoup sur moi ces derniers temps et j'ai déjà eu l'occasion de la remplacer.
- D'où venez-vous, Ocaris ?
- Du village de Palaton, grand maître ?
- Pourquoi êtes-vous venue à Ittirit ?
- J'ai suivi ma soeur, Otalia, qui m'a proposé de l'accompagner ici après son mariage.
- Quel métier exerce-t-elle ?
- Elle est retournée à Palaton après le début de la guerre. Son mari a été engagé dans l'armée et le domaine de notre famille manquait de main-d'oeuvre pour continuer à fonctionner. Mais, moi, je n'ai pas l'intention d'y retourner.
- Je l'espère... Où vivez-vous quand vous n'êtes pas en service ?
- Je loue une chambre dans une auberge proche du Palais.
- A partir de demain, vous vous installerez dans les appartements de dame Valaine et vous serez en service de jour comme de nuit. Je vous rappelle également que mes appartements du grand donjon ne sont autorisés aux domestiques que jusqu'au deuxième étage. Même vous, vous n'aurez pas le droit d'accéder aux étages supérieurs. Vous le savez, n'est-ce pas ?
- Oui, grand maître, je pense savoir tout ce qui touche à la vie quotidienne du Palais.
- Dame Valaine m'a affirmé que je pouvais entièrement vous faire confiance. Je n'accepterai pas d'être déçu et je n'hésiterai pas à vous mettre à l'épreuve.
- J'espère que mon exigence au travail sera à la hauteur de vos espérances.
- Je vous remercie, Ocaris. Je crois que, maintenant, vous et moi avons beaucoup de travail qui nous attend. A très bientôt, jeune fille."