« - Qui est chez toi, aujourd'hui ?
- Il y a mon oncle - le frère de ma mère - avec sa femme, et puis aussi mon père qui est venu me voir avec sa femme. De toute façon, dès que je suis en vacances, tout le monde vient voir comment je vais.
- Surtout quand tu es malade ?
- Pourquoi tu dis ça ? Je suis jamais malade.
- Depuis quand tes parents sont divorcés ?
- Tu me poses chaque année la même question... Ça doit faire quatre ou cinq ans maintenant.
- Il y avait déjà quatre ou cinq ans l'année dernière...
- Alors c'est inutile de me re-poser toujours la question. De toute façon, maintenant, ça n'intéresse plus personne...
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que c'est comme ça. On a l'habitude.
- Moi, tu sais ce que je viens d'apprendre ? Mon grand-père, en fait, n'était pas le père de mon père.
- Ah bon ?
- Oui, c'était le mari de ma grand-mère mais mon père était déjà né quand ils se sont mariés.
- Et c'était qui alors son père ?
- Ça, je ne sais pas. Personne ne m'en avait jamais parlé.
- C'est curieux.
- En plus, au téléphone, ma mère m'a dit qu'elle ne voulait pas que je pose de questions à ma grand-mère.
- Ça doit être grave alors... C'était peut-être un criminel.
- Arrête...
- En tout cas, chez moi, au contraire, ça n'arrête pas de discuter.
- De quoi ?
- De tout, de n'importe quoi. Du père de l'un, de la grand-mère de l'autre, du frère, de la sœur et du beau-frère... Et à chaque fois qu'on parle de quelqu'un, on me dit que ça serait bien que j'aille le voir un de ces jours.
- Tu as une grande famille.
- J'en ai surtout plusieurs. De toute façon, maintenant, à chaque baptême, je ne cherche même plus à poser de questions : bonjour à tous, merci madame, gros bisous, au revoir.
- Ça doit être dur de se souvenir de tout le monde.
- Oui, mais ceux que j'oublie le plus vite, ce sont toujours ceux qui viennent me demander : « Tu te rappelles de moi ? »
- Moi, je n'ai assisté qu'à un seul mariage dans ma vie.
- Le plus bizarre, c'est quand même lorsque tes parents se marient avec quelqu'un d'autre.
- C'était comment pour toi ?
- Joli mais ridicule. Ils ont juré fidélité, avec moi au milieu. Comme si c'était la première fois. Moi, jamais je ne marierai comme ça.
- Ça t'a énervée ?
- Ils étaient un peu ridicules, c'est tout.
- C'est dur les divorces.
- Non, c'est normal. Quand on ne s'aime plus, on s'en va.
- Mais ton père est presque toujours chez toi.
- Ben oui. »
Sami et Sabine parlèrent ensuite de leur année scolaire : les cours, les professeurs, les copains, les vacances...
Ce n'est que face à son portail - il était largement plus de midi - que Sabine demanda à Sami ce qu'il comptait faire avec sa grand-mère, au sujet du « mystérieux grand-père », comme elle l'appelait.
Sami ne savait pas encore. De toute façon, sa grand-mère avait dit qu'elle lui en parlerait elle-même. Mais, si ça devait effectivement l'énerver, il préfèrerait ne pas insister.
Sabine semblait vouloir poser d'autres questions... Sami était content de susciter sa curiosité.
Ils se regardèrent quelques instants sans rien dire. Sabine fut appelée par sa mère et chacun rentra chez soi.
La grand-mère de Sami, elle aussi, était de retour et le déjeuner préparé par Jeannine était prêt.
Pendant le repas, elle regardait Sami en souriant. Il se sentait un peu gêné.
« Ça pourrait l'énerver... Je me demande bien à quoi elle peut ressembler quand elle est énervée. »
22h30