25 mars 2017

C'est à cette époque de sérénité presque troublante que le petit Johan fut emporté par une voiture. Une Ford blanche qui démarra en trombe sur une des pistes de la station. Personne n'avait vu exactement ce qui s'était passé.
Ce matin-là, dès le premier cri de Caroline, Richard ne réfléchit plus à rien, ni au passé ni à l‘avenir..
Le petit garçon fut transporté, inconscient, jusqu'au centre hospitalier de Clermont-Ferrand. En fin d'après-midi, on leur annonça la liste des dégâts : les plus importants consistaient en trois fractures distinctes réparties sur les deux jambes et, surtout, un écrasement au niveau des reins qui compromettait gravement le fonctionnement de ses deux organes. Le seul miracle de ce drame fut que la colonne vertébrale n'avait pas subi de traumatisme définitif. Mais l'enfant souffrait beaucoup et il devait recevoir d'importantes doses de morphine. Des dialyses quotidiennes étaient devenues indispensables pour suppléer au travail des reins endommagés.
Au bout de quatre jours de torture, on annonça aux deux parents que l'enfant était "hors de danger". Que les fractures se résorberaient petit à petit mais qu'une greffe de rein serait nécessaire pour qu'il puisse quitter l'hôpital et retrouver peu à peu une vie normale.
Au fil des jours, les doses de morphine diminuaient et Johan reprenait progressivement conscience. Mais son univers se limitait aux murs blancs du centre hospitalier et ni Richard ni Caroline ne le supportaient. Ils n'osaient presque plus se parler pour ne pas s‘avouer les cauchemars qui les assaillaient nuit et jour.

 

Dix jours après l'accident, Richard pénétra en trombe dans le cabinet du chirurgien et il exigea de savoir quand, enfin, aurait lieu cette greffe qui mettrait fin aux dialyses de son fils. Le chirurgien le regarda en silence puis il lui expliqua patiemment que Johan était inscrit sur toutes les listes possibles de demandes de greffe mais que rien n'était possible tant qu'un organe compatible ne serait pas disponible.
"Quand ? Cela peut prendre plusieurs mois. Plusieurs années... ou quelques semaines seulement."
Richard avait préparé tellement d'arguments pour obliger le chirurgien à réagir mais c'était lui qui ne réagissait plus. Il passa embrasser son fils puis, à l'heure de la dialyse, il rentra chez lui.

Il se souvenait évidemment qu'il lui restait un voeu... Mais qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Il savait bien qui était la "bonne fée", quelle solution pouvait-elle proposer sur ce genre de situation ?
Cela lui semblait tellement ridicule. Tout ce qu'il avait vécu lui semblait ridicule. Au bout de deux semaines, Caroline s'était efforcée de reprendre un semblant de vie normale pour préserver ce qui leur restait : Alexandre, la station... Richard avait alors pris le parti de faire de même. Les conversations se renouèrent peu à peu. Pas beaucoup. Pas comme avant.
Alors, Richard fit le bilan de la situation : il avait le choix entre ne rien faire ou faire quelque chose qui ne servirait probablement à rien. Il alla chercher son téléphone portable, il composa le numéro dont, finalement, il se souvenait encore et il laissa un message. Il se contenta d'expliquer brièvement la situation de son fils... si brièvement que, cette fois, il ne fut pas interrompu par le second bip de la messagerie.
Il fallait maintenant attendre sept jours. Mais le conte de fée était peut-être terminé.

 

aïe...